Le 27 Mars 1942, partait de Compiègne le premier convoi pour Auschwitz

Isabelle CHOKO , Présidente d'Honneur
Albert BARBOUTH , Président d'Honneur 
et le Bureau de l'AFMA
vous prient d'honorer de votre présence le dépôt de gerbe

Dimanche 27 mars 2022 à 11 heures, devant le monument de la Cité de La Muette.
116 Avenue Jean Jaurès à Drancy

Nous n’oublions pas qu’il y a 80 ans, après les arrestations de l'été 1941, un premier convoi de 1112 personnes partait de Compiègne où se trouvaient un millier de juifs arrêtés en Décembre 1941 à titre de représailles. Plus de la moitié des 1112 personnes étaient des internés de Drancy, extraits du camp et amenés à Compiègne pour constituer ce premier convoi pour Auschwitz, parti le 27 Mars 1942.
À l’occasion du 80ème anniversaire d'une année 1942 particulièrement tragique, marquée le 27 Mars 1942 par ce premier départ de Compiègne vers Auschwitz, suivi cette seule année-là par 42 autres convois menant à Auschwitz près de 42 000 juifs français ou étrangers, auquel il faut encore ajouter les 17 convois partant de Malines (Belgique) où les juifs du Nord de la France étaient internés, l’AFMA organise un dépôt de gerbes avec prises de parole.

Nous avons été honorés par la présence des représentants officiels, élus et associations:

  • Mme PEAUCELLE DELELIS, Directrice générale de l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre
  • Mme HADJ-BOAZA, Directrice de l'office départemental des ancien combattants et victimes de guerre
  • M. Stéphane PEU, Député de Seine-Saint-Denis
  • M. Rolin CANOLY, Maire de Gagny, Conseiller Départemental
  • Anthony MANGIN, Premier Adjoint au Maire de Drancy
  • Mme Emma DEVEAU, Conseillère Municipale de Bobigny, déléguée à la mémoire et aux anciens combattants
  • Mme Carine PICARD NILÈS, Conseillère Municipale de Drancy, Présidente du groupe "Ensemble", Présidente de l'Amicale de Châteaubriant-Voves-Aincourt-Rouillé
  • M. Michael JACQUINOT, de la Maison du Combattant de Romainville représentant le maire de Romainville M. François DECHY
  • M. Claude NILÈS, Amicale de Châteaubriant-Voves-Aincourt-Rouillé
  • M. Thierry BERKOVER, Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation 93 et les Amis du Musée de la Résistance de Champigny sur Marne
  • M. Marcel MILLET et Mme Françoise BUFLAY, Président Délégué de l'UFAC et secrétaire générale adjointe
  • Mme Tauba ALMAN, Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

Nous saluons aussi,avec MM. MILLET, DEBAILLY et MANGOU,  la présence nombreuse des porte-drapeaux des diverses associations d'anciens combattants.

 

Discours de Bernard Grinfeld, Président de l’AFMA, prononcé par Henri Blotnik, secrétaire général adjoint

Nous sommes réunis à l’occasion du 80ième anniversaire du premier convoi de Juifs parti de France pour Auschwitz. L’histoire de ce transport très particulier mérite que l’on s’y attarde un instant.

En 1941, les Juifs étrangers sont discrètement mais sournoisement raflés par la police française, le 14 mai. Une simple convocation leur a été adressée. Les hommes arrêtés sont internés à Pithiviers et Beaune la Rolande. Du 20 au 24 aout, c’est dans les rues de Paris que les hommes de toutes nationalités, sont arrêtés , toujours par la police française assistée de la Feldgendarmerie, en représailles aux attentats de la Résistance contre l’occupant. Ils sont internés ici même. C’est à partir de ce moment que ce camp sera réservé aux Juifs.

Le12 décembre, les Juifs, essentiellement français, «notables», intellectuels et professions libérales sont arrêtés au petit matin à leur domicile par des policiers allemands assistés par la police française. Ils sont rassemblés à l’École Militaire, puis conduits à Compiègne, dans la caserne Royallieu. Là, ils sont séparés des résistants, militants politiques et syndicaux et, internés dans une aile spécifique, que l’on appellera le camp C ou le camp des Juifs. Les conditions de détention y seront épouvantables, comparables à celles des premiers temps à Drancy. La faim et le froid entraîneront la mort de beaucoup d’entre-eux. Le 14 décembre, les hommes de l’hôtel Majestic (le MBF, Commandement Militaire Allemand en France) font savoir par voix d’affiches que les Juifs sont frappés d’une amende d’un milliard de francs, que «cent Juifs, communistes et anarchistes seront fusillés» et qu’un «grand nombre d’éléments criminels judéo-bolchéviques seront déportés.. ». Le jour même les otages sont sélectionnés à Drancy et au camp A de Compiègne . Ils seront fusillés le lendemain au mont Valérien.

De fait, le commandant militaire Otto von Stülpnagel anticipant les décisions qui seront prises le 20 janvier suivant, à Wannsee, veut organiser au plus vite les déportations . Mais il se heurte à des problèmes de logistique. Les responsables des transports à Berlin lui signifient qu’il ne pourra pas avoir de train avant plusieurs semaines. Il ordonne donc à Théodore Dannecker chef SS du service de sécurité du Reich (Sipo-SD) de garder les prisonniers. Bien entendu, ceux-ci ignorent la destination qui les attend. Les responsables nazis, en revanche, Savent parfaitement ce qui se trame à Berlin.

Le 27 mars, le convoi se forme à la gare de Drancy-le Bourget avec des wagons de voyageurs. Avant de parvenir à Auschwitz, il passera à Compiègne prendre les internés.

Sur les deux sites, le scénario du départ est le même : après la sélection des hommes qui tiennent encore debout , après leur avoir tondu les cheveux et coupé les barbes, on rassemble les partants pour un appel interminable, c’est le départ à pied pour la gare, escortés par une soixantaine de gendarmes, accompagnés de Theodor Dannecker, lui-même, qui fera fonction de chef de convoi jusqu’à destination. Beaucoup de ces hommes, déjà affaiblis par trois jours de voyage et par de longs mois de détention en France, mourront dans les premières semaines. A la libération il n’y eu que 19 survivants sur 1112 déportés.

Avec Compiègne, les autres camps et prisons de France; en Seine-Saint-Denis, le Quai aux bestiaux de Pantin, le Fort de Romainville, la Gare de Drancy - Le Bourget, ce camp de Drancy; les lieux et les drames de la déportation, de répression ou d’extermination, doivent être toujours rappelés.

Aujourd’hui nous sommes engagés à diffuser la mémoire de ces faits, effort encore nécessaire face aux falsificateurs de l’Histoire et à la montée de la haine. C’est dans les pays où l’on ne regarde pas l’histoire en face et où le travail de mémoire est insuffisant que se produisent les catastrophes.

Nous comptons sur vous tous pour nous aider à lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme et faire vivre la mémoire, toutes les mémoires, de façon républicaine afin d’assurer à nos enfants un monde de Paix et d’amitié entre les peuples.

 

Discours de Mme Dellac, vice-Présidente du Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis

 

Il y a 80 ans, le convoi N°1…



Ce dimanche 27 mars, j’étais au côté de nombreuses associations mémorielles et d’élu.e.s, pour rendre hommage aux 1112 juifs partis par le premier convoi de déportation de la gare de Drancy-Le Bourget vers Auschwitz . J’y ai pris la parole à l’invitation de l’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz:



«Nous sommes aujourd’hui réunis pour nous souvenir ensemble du convoi N°1, premier convoi de déportation des juifs de France, organisé par Théodore Danneker, responsable des affaires juives de la Gestapo avec la complicité active de l’État français.

Il y a 80 ans, 1 112 hommes sont partis le 27 mars de la gare de Drancy- Le Bourget pour être déportés à Auschwitz où ils arrivèrent 3 jours plus tard. 19 d’entre eux seulement en sont revenus.

Dès l’été 1941, la Cité de la Muette était devenue le maillon logistique central d’abord de l’internement, puis de la déportation des Juifs.

L’année 1942 fut le début de la déportation systématique, organisée et massive des Juifs de France, précédée par les rafles qui avaient démarré dès mai 1941 – d’abord des juifs étrangers – puis, à partir de décembre 1941, des juifs français. En 6 mois, entre mars et novembre 1942, c’est 43 convois qui partirent de France conduisant 42 000 juifs vers les camps d’extermination puis, jusqu’à l’été 1944, ce furent au total 76 000 juifs qui furent déportés de France. Seuls 2500 d’entre eux revinrent.

Il aura fallu beaucoup de temps pour que la responsabilité de l’État français soit reconnue par le Président Chirac en 1995.

Rappelons-nous du film d’Alain Resnais, Nuit et Brouillard, sorti en 1956 qui connut la censure d’État parce qu’on y voyait un gendarme français montant la garde d’un camp d’internement du Loiret, à Beaune la Rolande.

De la même manière, 7 ans plus tard, en 1963, la très belle et émouvante chanson du même nom, écrite et chantée par Jean Ferrat, connut également la censure, avec ordre de ne pas la diffuser sur les ondes. Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum, dont le père immigré juif russe partit de Drancy pour ne pas revenir d’Auschwitz.

Il faut du temps à la vérité pour qu’elle trace son sillon, que la réalité des choses soit énoncée et reconnue, pour qu’enfin l’Histoire puisse se faire jour.

Aujourd’hui, les passeurs de mémoire, celles et ceux qui sont revenus de l’horreur absolue, ont disparu à leur tour.

Aujourd’hui ne restent que les bâtiments, camps d’internements, gares de déportation, pour témoigner de ce que furent les derniers espoirs et le désespoir, la combativité aussi de ces milliers d’hommes, de femmes, d’enfants qui allaient être assassinés et disparaître parce qu’ils étaient juifs.

Ces témoins silencieux livrent parfois des secrets poignants, comme les graffitis découverts sur 76 carreaux de plâtre trouvés ici même à la Cité de la Muette lors de la rénovation des huisseries en 2009.

C’est pourquoi le Département, avec ses services du patrimoine contemporain et des archives prête une attention particulière au classement et à la conservation de ces bâtiments témoins ; à leur valorisation auprès du plus grand nombre et des jeunes en particulier, parce qu’après les témoignages directs des rescapés et la transmission de leur histoire, le devoir de mémoire demeure plus que jamais à l’ordre du jour.

A cet égard, nous sommes attentifs aux travaux de restauration portés par Seine-Saint-Denis Habitat à la Cité de la Muette et je me réjouis de l’ouverture à venir de la gare de déportation de Bobigny, dont les travaux sont en cours d’achèvement, comme j’ai pu le constater vendredi dernier avec un certain nombre d’entre vous lors du comité de pilotage qui nous a réuni. Donner de la dignité aux lieux pour rendre leur dignité aux femmes, aux enfants, aux hommes qui y ont été internés et en sont partis.

C’est le préalable indispensable au travail mémoriel, que nous menons au côté des associations, des villes, des collectivités, du Ministère de la Culture, de la DRAC et du Ministère des armées. Et bien sûr, avec Seine-Saint-Denis Tourisme, notre agence de développement touristique, qui joue un rôle important avec sa plateforme exploreparis pour faire connaître et valoriser ces lieux de mémoire auprès du grand public.

Nous avons enfin à cœur de travailler avec les jeunes, avec les collégien.e.s, «Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez» écrivait J. Ferrat, car ce devoir de mémoire et de compréhension de ce qui s’est joué il y a 80 ans est l’enjeu d’une terrible actualité, au regard de la banalisation de la haine raciste et antisémite. Le négationnisme est toujours de mise, porté par un candidat à la Présidence de la République. En ces temps de crise, la transmission est indispensable pour combattre ces idées abjectes et assécher le terreau qui prospère sur la méconnaissance et la désespérance.

Les parcours culturels que nous menons dans les 130 collèges du Département, le dispositif Agora dédié à la liberté d’expression et aux médias dans le cadre du dispositif d’éducation artistique et culturelle, ont vocation à permettre aux jeunes de se forger un esprit critique indispensable à la compréhension du monde.

 

Discours de Mme Tauba ALMAN, pour l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les représentants d’anciens combattants,

Chers amis,

J’interviens ce matin au nom de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, dont nous célébrerons l’an prochain le 80e anniversaire. L’UJRE est en effet née, sous l’Occupation, de la réunion de toutes les organisations clandestines de la section juive de la M.O.I., de la zone Sud à la zone Nord, organisations résistantes créées par le mouvement Solidarité en 1940.

La Main d’Oeuvre Immigrée (MOI) avait été créée par le Parti Communiste Français pour organiser les « étrangers » par groupes de langue. Cette langue, pour la section juive, c’était le yiddish, que parlaient ces juifs d’Europe de l’Est immigrés en France. La France qu’ils avaient choisie comme étant la patrie de la Révolution, de la Commune de Paris, des droits de l’homme...

Leur vécu des persécutions antisémites dans leurs pays d’origine, ne les rendait que plus sensibles au fascisme naissant, dès 1933, en Allemagne, puis se développant en 1936 en Espagne. C’est tout naturellement qu’ils s’engagèrent dans les Brigades internationales (compagnie Botwin) et dans les luttes du Front populaire, contre le fascisme.

Comme je l’ai déjà dit, c’est dès les premiers jours de septembre 1940 que fut créé le mouvement Solidarité, première organisation de résistance juive ; Résistance tant armée, au travers de ses groupes de combat, que civile au travers des actions de sauvetage des enfants juifs, par l’organisation de leur cache dans la France entière, et d’alerte de la population, pour échapper aux rafles. Alerte donnée par sa presse clandestine en yiddish, en français, tracts, papillons… des dates de rafles, des appels à la résistance,...

Puis, dès octobre 40, c’est le Statut des juifs qui restreint leurs libertés et crée l’obligation de se faire recenser. C’est l’ouverture à l’été 41 de la Cité de la Muette, à Drancy où nous nous trouvons, camp d’internement placé sous la responsabilité du préfet de police de Paris qui accueillera les premiers internés juifs raflés à Paris en août 1941 : 4 230 hommes dont 1 500 Français.

C’est aussi, en juin 41, l’ouverture du camp de Royallieu, à Compiègne, le seul en France à être géré directement par le service de sécurité allemand, ouvert pour accueillir, je cite, des « éléments ennemis actifs ». Il s’agissait de résistants, militants syndicaux et politiques, juifs, ressortissants étrangers, civils pris dans des rafles.

Dans ce camp, les 743 « notables », arrêtés à Paris, le 12 décembre 41, s’interrogent : qu’est-ce qui dans leur comportement a pu motiver leur arrestation ? Français, notables, médaillés de la

Première Guerre mondiale, militaires démobilisés, ils se sentaient à l’abri, les Allemands et les autorités françaises ayant tout fait pour faire croire à la population que seuls les immigrés seraient visés…

Comme tous les autres internés, ils durent subir l’horreur de la barbarie hitlérienne, nourriture insuffisante, latrines répugnantes, sommeil sur paillasses infestées de vermine, température glaciale… effroyables conditions causant des morts si nombreuses qu’il fallut, pour compléter le premier train à partir pour Auschwitz, ce convoi n°1 qui nous réunit aujourd'hui 80 ans jour pour jour après son départ, le compléter pour moitié par des juifs immigrés provenant de Drancy.

Seuls 19 survivants reviendront sur les 1 112 hommes partis ce 27 mars 1942… Ce convoi n° 1 inaugurait la série des 79 convois qui déportèrent 75721 (75000) Juifs de France et dont seuls 2566 (2500) reviendront.

Ne pas permettre le renouvellement de ces crimes, en luttant contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, tel demeure le but de notre Union. Nous l’assumons à travers nos prises de position et nos publications, ainsi que par notre participation aux cérémonies mémorielles, comme celle d’aujourd’hui.

Transmettre à notre époque la connaissance et le sens de l’engagement républicain, faire vivre les mémoires, commémorer le passé sert à écrire l’avenir, cet avenir qui aujourd’hui nous inquiète.

Nous continuons, nous continuerons d’être vigilants.