77ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie
Hommage aux combatants
CC BY-SA Wikimedia - François Szulman - Insurrection du ghetto de Varsovie - 1962
À l’Occasion du 77ème anniversaire du soulèvement du Ghetto de Varsovie, voici un résumé du livre de Larissa Cain: Ghettos en révolte, Pologne 1943, paru aux éditions Autrement, collection « Mémoires » en 2003 (ISBN 2-7467-0359-9).
Larissa Cain, née en 1932 a été enfant une de ces «chats sauvages du ghetto» dans lequel ses parents furent engloutis. Ses témoignages vidéo, notamment sur Youtube, sont utilisés, comme lors de la commémoration organisée par le Mémorial de la Shoah et la commission du souvenir du CRIF, en ligne, dans les conditions exceptionnelles de cette année marquée par la pandémie Covid-19.
La révolte des ghettos en Pologne
Les nazis avaient l’habitude de profiter des fêtes juives pour accomplir leurs forfaits.
Le jour de Kippour 1940, ils annoncent l’enfermement des Juifs de Varsovie. Cette politique avait déjà été mise en œuvre dans de nombreuses villes de la Pologne occupée ou de la zone incorporée au Reich, à Piotrkow et Pulawy, dès 1939, puis à Łódź, Cracovie, Bendzin, Sosnowiecz...
Le ghetto de Varsovie
Partout c’est pratiquement le même scénario qu’à Varsovie où ils expulsent, en octobre 1940, les 100.000 Polonais catholiques vivant dans le petit « quartier Juif « pour y entasser, en 1941, près de 400.000 personnes venant des environs ou des Tziganes, voire des réfugiés Juifs d’Allemagne. C’est la seconde étape de leur plan. Dès l’invasion de la Pologne, les nazis imposent en zone occupée le port du brassard blanc avec l’étoile bleue. Ils font régner la terreur en fusillant les otages dans la rue, en multipliant les humiliations et les brutalités gratuites. Ils confisquent les entreprises, s’approprient les comptes bancaires lorsqu’ils existent. De plus, ils interdisent aux Juifs de voyager en train et d’échanger avec les Polonais dits «aryens». Les écoles sont fermées.
Dans ces conditions, l’annonce de la création des ghettos est chaque fois perçue comme une catastrophe. On ramène la population juive à l’état animal. Elle est exposée au chômage, à la famine, au travail forcé, au typhus, à la tuberculose. En 20 mois on décomptera 70.000 morts à Varsovie.
La résistance s'organise
Mais, malgré l’exode des élites, les premières formes de résistance voient le jour. Il faut non seulement vivre, se loger, se nourrir, mais aussi éduquer les enfants et les jeunes, développer la solidarité, l’entraide et le partage, avoir une vie culturelle. Les mouvements de jeunesse remettent en service leurs kibboutzim urbains où se déroulent des rencontres et des séminaires regroupant des participants venus de toute la Pologne avec des conférenciers de qualité comme le poète Itshak Katzenelson, le pédiatre Janus Korczak, ou l’historien du ghetto Emmanuel Ringelblum. Les fermes ou Hahsharas permettent de contribuer à nourrir la population. Il se créé des cantines, des écoles clandestines. Les filles ou les garçons n’hésitaient pas à braver les interdits nazis. Au péril de leur vie, ils se jouaient des frontières, allant d’un kibboutz ou d’une Hahshara à l’autre réconforter les survivants et les encourager à poursuivre le travail éducatif. Pour limiter les risques celles et ceux qui sont choisis pour ces missions (souvent celles), sont plutôt blonds aux yeux bleus et parlent parfaitement le polonais.
C’est ainsi qu’Arié Wilner, dit Jurek, put témoigner des massacres perpétrés par les Einzatzgrupen dans la région de Wilno. L’Hashomer Hatsaïr y dépêchera Tosia Altman pour prévenir les camarades qu’ils pouvaient venir se réfugier à Varsovie. Mais, contrairement à beaucoup, le poète Abba Kovner pressent que les massacres de l’Est ne sont qu’un avant -goût. Il faut s’orienter vers la lutte armée. Mais ils n’ont pas d’armes. Jurek se heurtera au refus de la résistance polonaise mais finira par se procurer 5 pistolets et 8 grenades par l’entremise de communistes du ghetto et de la Gwardia Ludova. Frumka Plotnicka l’aidera. Michal Klepfisz apprendra à fabriquer des bouteilles incendiaires. Faut-il combattre dans les ghettos ou tenter de rejoindre les partisans polonais? Cette prise de conscience est renforcée par d’autres informations qui circulent sur les gazages dans les camions de Chelmno puis par l’extermination des Juifs de Lublin en mars 1942.
C’est à ce moment là, à l’initiative de Joseph Lewartowski, un militant communiste du ghetto, que fut créé le «bloc antifasciste» qui sera vite démantelé par la Gestapo.
Lorsque débutent les déportations à Treblinka le 22 juillet 1942, les habitants du ghetto de Varsovie n’imaginent pas encore leur véritable destination mais ils se ruent sur les «shops», ces entreprises travaillant pour l’armée allemande, afin d’y échapper. Toutefois, il y a aussi de nombreux volontaires qui se présentent pour partir en échange de 3kg de pain et d’un kg de confiture. Czerniakow, le chef du Judenrat, sait ce qui les attend et se suicide. En août, pour savoir ce qu’il se passe, le Bund envoi un reporter: Friedrich Zalman.
Avec la complicité d’un cheminot socialiste il prend le train de voyageurs pour Sokolow, dernière gare avant le territoire occupé par l’Union soviétique. Il apprend que des trains de marchandises transportent tous les jours des gens pour Treblinka à 40 kms et reviennent à vide. Puis il rencontre un de ses camarades socialistes: Uziel Wallach qui, chargé d'évacuer les morts pendant les transports, s’est évadé. Il lui raconte tout: les femmes et les enfants sont gazés le jour, les hommes la nuit. On assassine ainsi jusqu’à 20.000 personnes par jour.
Le soulèvement du ghetto de Varsovie
Dès le 23 juillet s'était tenue une réunion au cours de laquelle l’Hashomer Hatzaïr, le Dror et le Bund s'étaient prononcés pour la lutte armée. Mais la majorité était contre. Parmi les opposants, certains croyaient en la divine providence. D’autres, ce qui revient au même, s’imaginaient que «le monde ne restera pas silencieux». Mais, comme le note Emmanuel Ringelblum: «paradoxalement les adultes se préoccupent plus de la façon de survivre tandis que les jeunes ne pensent qu’à mourir dans la dignité et l’honneur».
- Mordehaï Anielewicz de l’Hachomer Hatsaïr
- Itshak Zukerman (Dror)
- Marek Edelman (Bund)
- Jochanan Morgenstern et Henri Berlinski (Poale Sion)
- Michal Rosenfeld (Parti Communiste)
Arie Wilner, dit Jurek, sera son représentant auprès de la résistance polonaise.
Un comité Juif de coordination regroupera toutes les organisations de gauche. Léon Feiner sera son délégué.
Par ailleurs, l’Union Juive militaire (Zydowski Zwiezek Wojskowy), est constituée de sionistes de droite et du mouvement «Betar», commandée par Pavel Frenkel elle participera au soulèvement.
Après avoir exterminé plus de 300.000 hommes femmes et enfants à Treblinka, Il ne reste plus que 50.000 personnes dans le ghetto: les membres du Judenrat, ceux qui travaillent dans les ateliers Toebbens, Shultz et dans le quartier des brossiers ainsi qu’environ 25.000 clandestins, les «chats sauvages» qui se terrent dans les caches. Himmler donne, le 9 janvier 1943, l’ordre de liquider le ghetto après avoir déporté tous ses habitants. Le 18 janvier est un échec cuisant pour les nazis, obligés de battre en retraite et d’interrompre les déportations.
Ils reviendront plus nombreux encore le 19 avril, jour de Pessah . Le premier jour ils sont encore repoussés. Le 20 avril le SS Stroop prend les affaires en main et malgré la supériorité des armes, les combats dureront jusqu’à la mi-mai. Quelques dizaines de combattants s’échappent par les égouts et avec l’aide du jeune Simha Rotem, dit Kasik, parviennent dans la forêt et cherchent à rejoindre les partisans polonais. La Gwardia Ludova les accueille mais l’Arma Krajowa les rejette, voire les fusille. Les survivants sont à la merci des nazis mais aussi des Schmalcoviki (ceux qui s’engraissent aux dépens des autres). Ne sachant plus où se cacher, certains, même parmi les militants les plus aguerris tomberont dans le piège de l’hôtel Polski tendu par la gestapo qui promet au Juifs un passeport d’Amerique Latine ou de Palestine en échange de citoyens du Reich, pour mieux les envoyer à Bergen Belsen puis à Auschwitz.
Bernard Grinfeld
Le 19 avril 2020